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CAFÉ JURIDIQUE N°13: VIOLENCES ELECTORALES ET NECESSITE D’ASSURER LA PROTECTION DES BIENS PUBLICS EN AFRIQUE : CAS DU BENIN

L’actualité politique béninoise telle que nous la vivons ces derniers jours nous amène à nous pencher sur un sujet pertinent au travers le treizième numéro de la rubrique « CAFÉ JURIDIQUE ». Il s’agira ici de faire une étude consacrée aux violences électorales et nécessité d’assurer la protection des biens publics en Afrique : cas du Bénin.

La tenue de la conférence nationale des forces vives de la nation en 1990 a eu pour incidence première la naissance de la Constitution du 11 décembre de la même année. C’est à travers elle que le Bénin a viré dans une étape majeure de son histoire démocratique avec l’avènement du renouveau démocratique. À travers cette loi fondamentale, il est désormais prévu que les urnes soient le seul moyen permettant au peuple béninois de pouvoir légitimer ceux-là qui sont appelés à le diriger aussi bien au plan national que local. C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit d’élire le Président de la République, les membres de l’Assemblée Nationale de même que les maires de chaque ville du Bénin.

Quand vient cette période sensible où l’électorat est appelé à exprimer son droit de vote qui est d’ailleurs un droit fondamental du fait qu’il soit constitutionnellement reconnu à des personnes respectant les critères définis dans différents textes de loi tel que le Code électoral en l’occurrence, nous assistons à une sorte de tensions qui naissent de part et d’autre, conduisant malheureusement à de graves dégâts qui, généralement, concernent les biens publics.

Cette pratique qui caractérise la plupart des pays africains en l’occurrence le Niger, le Sénégal, le Mali, la Côte-d’Ivoire, le Cameroun, le Burkina-Faso, le Togo etc… a commencé par intégrer progressivement l’habitude de l’électorat béninois.

Mais notons-le ; le fait que des élections débouchent sur des conflits et de la violence, en plus d’entraîner des pertes en vies humaines et la destruction de biens, pose des questions non seulement par rapport à l’organisation et à la gestion des élections, mais également par rapport à leur impact à long terme sur la consolidation de la compétition politique.

Face à la montée en puissance de pareils évènements, il y a donc nécessité d’assurer la protection des biens publics avant, pendant et après le processus électoral. Déjà qu’il s’agit des biens publics, la réelle question qui se pose est celle de savoir par quelles stratégies procéder à la protection desdits biens. Pour une analyse efficace de ce thème, il conviendra de se pencher sur les concepts de biens publics, de la violence en période électorale pour élucider le sens d’abord, ensuite jeter un regard sur ses manifestations pour enfin voir les conséquences et les mesure à mettre en œuvre pour une protection effective desdits biens.

D’emblée, il sied de définir ce que l’on peut entendre par biens publics. Les biens publics sont un ensemble de biens affectés à l’intérêt général. C’est une première façon de définir les biens publics et cette approche est large car ici elle englobe des biens qui peuvent être les biens de personnes publiques ou les biens de personnes privées qui seraient alors chargées d’une mission d’intérêt général ou d’un service public. Juridiquement parlant, la prise en compte du critère organique dans la définition de biens publics nous amène à dire que les biens publics désignent l’ensemble des biens qui appartiennent aux seules personnes publiques. C’est la personne publique qui va exercer un droit sur ces biens, elle va être titulaire d’un droit de propriété sur ces biens.

Par violence électorale, il faut entendre toute violence survenue dans le cadre des élections ou en cours d’exercice d’activités électorales notamment les votes.

Les violences électorales peuvent subvenir à n’importe quelle période du processus électoral, pouvant causer des dégâts matériels et des victimes humaines. Elle peut être préélectorale ou postélectorale. Elle est dite préélectorale lorsqu’elle surgit avant le vote et se manifeste dès lors que le processus électoral est enclenché. Ce type de violence provient généralement des partis ou formations politiques dont les candidatures de leurs candidats ne seraient pas acceptées ou validées par l’organe habilité (il s’agit de la Commission Électorale Nationale Autonome pour ce qui concerne le Bénin). Autrement dit, elle nait suite à un rejet de candidature de potentiels candidats de l’opposition pouvant discuter le pouvoir avec le dirigeant en place. De même, elle peut naitre lorsque les candidats de plusieurs formations politiques (appartenant généralement à l’opposition) sont exclus du processus électoral et ne peuvent donc pas aller aux élections. Pour la plupart, les exclusions sont justifiées par une norme ou un texte à cause des conditions qui paraissent trop corsées pour l’opposition.

Celle postélectorale survient lors de l’achèvement des votes et de la proclamation des résultats où, en Afrique de l’Ouest principalement, les dirigeants se font réélire généralement au premier tour avec un pourcentage important. L’histoire politique des pays de l’Afrique de l’ouest nous démontre que les violences électorales sont présentes du fait du caractère exclusif qui caractérise la plupart des élections quand bien même les textes de loi régissant lesdites élections semblent être inclusives et donc favorisant l’ouverture du jeu électoral à tous les partis politiques. À titre illustratif, nous pouvons citer le cas du Bénin lors des élections législatives et celui de la Côte-d’Ivoire lors des dernières élections présidentielles remportées par Son Excellence Alassane Dramane OUATTARA. Cette violence est souvent due aux contestations des résultats des élections. Les refus de fléchir aux résultats d’élections à cause des possibles manipulations est une monnaie courante en Afrique. Ce phénomène conduit directement à de vives tensions et peut même déboucher sur une guerre civile. Il y a plusieurs types de violence dont les auteurs en font usage. Avec quelques exemples illustratifs à l’appui, la typologie de la violence électorale sera analysée.

Il y a lieu de faire une distinction entre violence électorale et celle politique. Il est à noter au prime abord que toute violence électorale est forcément politique parce que mettant en conflit les électeurs des différentes formations politiques qui s’affrontent, chacun essayant, pour ceux de la mouvance, de laisser l’impression selon laquelle les résultats des urnes sont justes à accepter et pour ceux de l’opposition de soutenir que lesdits résultats ne sont pas le fruit d’une transparence électorale ou qu’il y a de fraudes mais toute violence politique n’est pas nécessairement électorale parce que mettant au prise les responsables des partis politiques qui s’affrontent verbalement généralement en mettant l’accent, pour l’opposition sur les failles du système de gouvernance en place et pour le régime en place en défendant son bilan comme élogieux et faisant le bonheur de la population. Les violences politiques et électorales perpétrées par les partis politiques au pouvoir comprenaient, entre autres, la dispersion par la force des réunions politiques, l’agression physique, l’attaque et la détention arbitraire des opposants et de leurs sympathisants, la torture, l’assassinat et la destruction injustifiée de biens.

La violence survient souvent pendant le processus électoral, en particulier lorsque les candidats aux élections cherchent à mobiliser l’électorat en utilisant tous les moyens disponibles. Confrontés aux pressions intenses de nouveaux partis politiques inexpérimentés, certains partis au pouvoir ont eu recours à la violence politique, afin de manipuler le processus électoral et ses résultats. Ils ont également exploité à leurs fins des institutions publiques partisanes, en particulier les forces militaires, paramilitaires et de police, contre les groupes d’opposition.

La violence électorale peut menacer la sécurité du pays, troubler la cohésion sociale ou même engendrer une guerre civile totale faisant beaucoup de victimes. L’exemple le plus frappant est celui de la Côte d’Ivoire dans un passé récent.

Qu’elle soit préélectorale ou poste électorale, les acteurs concernés par la violence électorale sont les suivants : candidats aux élections, militants, populations, agents de l’État etc. Les violences en périodes électorales ont toujours eu des conséquences socio-économiques dues à la destruction des biens matériels pendant les manifestations, les tensions pendant les élections, la marginalisation de certaines localités où les candidats gagnants ont perdu la majorité du vote, au découragement des bailleurs de fonds, à la détérioration de certains partenariats économiques à travers le monde. On peut noter la destruction de biens immobiliers appartenant à des particuliers, à des partis politiques ou même à l’État. Beaucoup d’activités économiques sont arrêtées pendant le déroulement des violences électorales. Cependant, les pertes économiques orchestrées par les violences électorales ne seront même pas à mesure d’être évaluées avec des données précises.

Face aux conséquences néfastes de la violence électorale et la nécessité à assurer la protection des biens publics, plusieurs politiques sont à adopter. Puisque, souvent, les différents protagonistes rejettent la responsabilité sur l’adversaire et n’acceptent point assumer leurs responsabilités. Le Bénin tend une fois encore à des échéances électorales qui risquent d’être plus mouvementées que celles connues dans un passé récent. Déjà, le fait que certains partis de l’opposition soient exclus de la compétition électorale fait monter des tensions de part et d’autre et des menaces en vue de faire échec au processus en cours se présument.

Quatre mesures doivent être prises dans le but de lutter principalement contre les violences électorales et subséquemment, dans l’optique d’assurer la protection des biens publics en cette période très sensible.

– Élaboration d’une Charte de bonne conduite en période électorale. Cette Charte qui sera signée par tous les partis politiques prenant part à la compétition électorale se chargera de définir les conduites que les responsables de partis ainsi que leurs militants sont appelés à adopter avant, pendant et jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par l’organe compétent en la matière tout en prenant soin de définir les conditions ou modalités de protestations au cas où les résultats issus des urnes ne seraient pas conformes à ceux qu’espérait un parti politique. La présente Charte est différente de celle des partis politiques. Ainsi, dès lors qu’un part politique violerait ladite Charte de façon directe ou par des actions qu’il cautionne ou encore par l’entremise de ses militants, ce dernier sera exclus ipso facto du jeu électoral pendant une durée prévue par la même Charte ;

– Cibler les zones à risque en période électorale et y renforcer la sécurité au moins deux semaines avant les élections et un mois après celles-ci. Ceci permettra de veiller au mieux sur les biens publics et les infrastructures qui s’y trouvent. Les zones à risque ici sont celles où naissent généralement les tensions et les violences électorales. Pour le cas du Bénin, il s’agit pour la plupart de Porto-Novo, Cotonou, Parakou, Bantè, Savè ;

– Prévoir dans le calendrier électoral par le biais de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), une période de sensibilisation des militants sur la nécessité de préserver et de protéger les biens publics en période électorale. Cette pratique doit être observée par tous les partis politiques en compétition à travers les canaux appropriés notamment les masses médias ;

– Renforcer la législation pénale en la matière notamment en ce qui concerne la destruction des biens publics en prenant comme circonstance aggravante, le fait que la destruction soit intervenue en une période électorale qui est généralement une période sensible.

Le malheureux constat fait est que la destruction des biens publics est en contradiction avec l’essence même de la protestation. Aucune manifestation ou protestation ne doit conduire à la destruction des biens publics aussi bien en période électorale ou non. Puisque, loin d’avoir à l’idée que c’est la meilleure manière de faire savoir son désaccord, c’est plutôt une façon de contribuer à la destruction de l’économie nationale et de ternir l’image de son pays. Pire encore, l’État se sent obligé de reconstruire à coût de fortune les biens détruits en mobilisant d’autres ressources alors que celles-ci auraient pu servir à régler d’autres problèmes.

En période électorale, quand bien même on n’est pas d’accord avec les résultats issus des urnes, que l’intérêt du pays prime sur celui d’un individu ou d’une communauté politique et que les voies légales appropriées soient celles choisies pour contester lesdits résultats.

Jesukpégo Elie GBEDEMAKOU,

Directeur du Département Paix et Droits de l’Homme de la Fondation VISSIN, Chargé des relations avec les institutions.

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