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CAFÉ JURIDIQUE N°7: LE FAUX TÉMOIGNAGE

 

La rubrique « CAFÉ JURIDIQUE » vous revient dans son septième numéro spécial.

Malgré l’intime conviction que la loi lui reconnait, il est du devoir de tout juge, saisi d’une quelconque affaire, de rechercher la manifestation de la vérité afin de parvenir à une bonne administration de la justice. C’est d’ailleurs l’un des caractères qui doit gouverner l’esprit du juge. Pour la manifestation de la vérité, le juge peut, suivant les circonstances et la nécessité, recueillir le témoignage de toute personne ayant personnellement connaissance des faits à lui déférés et pouvant de ce fait, lui permettre de dire efficacement le droit au risque de se tromper peu importe sa maîtrise de l’arsenal juridique auquel il fera appel dans le cas d’espèce : on parle alors de témoignage. Mais il arrive parfois que, le témoin dénature les faits en exposant de façon inexacte ou avec fausseté lesdits faits pour des raisons diverses. La dénaturation des faits devant le juge lors d’un procès ou devant l’Officier de Police Judiciaire est ce que la loi pénale qualifie de faux témoignage.

Selon la doctrine, le faux témoignage peut être défini comme une altération consciente de la vérité commise par une personne appelée témoin déposant sous serment devant une juridiction ou un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire. Considéré comme tel, le faux témoignage est un délit qui porte atteinte à la fois à la justice et à la personne lésée. Il porte atteinte à la justice en ce sens qu’il peut conduire à une erreur judiciaire et laisser ainsi planer le doute sur l’efficacité et la crédibilité de la justice garante de la protection des droits humains. Il porte également atteinte à la personne lésée en ce sens qu’il conduira à la condamnation à tort de cette dernière au profit de qui une relaxe, un acquittement ou un non-lieu aurait pu être prononcé si et seulement si le témoin n’avait pas dénaturé ou altéré la véracité des faits.

Le faux témoignage peut être fait soit contre le prévenu dans le but de le voir condamné injustement ou en sa faveur dans l’optique de le voir échappé à toute condamnation de la justice pour des faits commis. Qu’il soit fait contre ou en faveur du prévenu, le coupable de faux témoignage reçoit généralement de l’argent, une récompense quelconque ou des promesses. Le faux témoignage peut également être précédé de menaces de la part du coupable ou de son entourage. Dans ce cas, le témoin est appelé à révéler au juge les circonstances précédant son témoignage et les pressions et menaces éventuelles subies avant de témoigner sans altérer les faits. Dans une pareille situation, le juge se doit de prendre des mesures de manière à assurer sa sécurité en tout lieu. Comme mesure de protection, une garde peut être affectée au témoin afin d’assurer sa protection en tout lieu et en tout temps. Il peut également être obligé à vivre en résidence surveillée en cas de besoin.

Le code pénal béninois n’aborde pas de façon précise, les conditions préalables du faux témoignage, son élément matériel et moral mais uniquement les différentes peines applicables à celui-ci selon la matière. Il faut donc se référer à la jurisprudence et à la doctrine pour s’en rendre aisément compte.

Pour la doctrine, le délit de faux témoignage avant d’être évoqué, doit remplir certaines conditions préalables : le témoignage doit être effectué devant une juridiction ou un Officier de Police Judiciaire (OPJ) dans le cadre d’une commission rogatoire, le témoignage doit également être fait par une personne sous serment. La rétractation est possible mais ne sera prise en compte que si elle a lieu avant que le jugement ou l’arrêt ne soit rendu.

Le faux témoignage, pour être incriminé, doit être déterminant, c’est-à-dire exercer une influence certaine sur la décision du magistrat.

En ce qui concerne l’élément matériel, il a lieu de retenir que le délit de faux témoignage est constitué par le caractère mensonger des déclarations faites. Pour la jurisprudence, constituent un délit de faux témoignage, l’affirmation d’un fait inexact ou les omissions volontaires dans les déclarations.

Mais contrairement au délit de faux, le préjudice n’est pas un élément constitutif du délit de faux témoignage.

L’élément moral du faux témoignage suppose que l’auteur d’un tel délit doit être animé de la volonté de tromper une personne qui reçoit son témoignage. Il doit également avoir conscience du caractère mensonger de ses déclarations.

En droit positif béninois, c’est les articles 613 et suivants de la loi n°2018-16 du 28 décembre 2018 portant code pénal qui sont le siège du faux témoignage. Situé au paragraphe II de la section VII chapitre premier du titre II, la répression du faux témoignage varie d’une matière à une autre.

Suivant les dispositions de l’article 613, quiconque s’est rendu coupable de faux témoignage en matière criminelle soit contre l’accusé, soit en sa faveur est puni de la réclusion criminelle à temps de cinq (05) ans à dix (10) ans.

Si néanmoins l’accusé a été condamné à une peine plus forte que celle de la réclusion criminelle à temps de cinq (05) ans à dix (10) ans, le faux témoin qui a déposé contre lui subira la même peine.

Le faux témoin qui, en matière criminelle, a reçu de l’argent, une récompense quelconque ou des promesses, est puni de la réclusion criminelle à temps de dix (10) ans à vingt (20) ans. (Art. 618).

En matière correctionnelle, le faux témoignage fait contre le prévenu, soit en sa faveur, est puni d’un emprisonnement de deux (02) ans au moins et cinq (05) ans au plus et d’une amende de cinquante (50.000) francs CFA à deux cent cinquante mille (250.000) francs CFA.

Si néanmoins le prévenu a été condamné à plus de cinq (05) ans d’emprisonnement, le faux témoin qui a déposé contre lui subira la même peine.

Le faux témoignage est assimilé à une dénonciation mensongère par le législateur dans le code pénal. C’est ainsi qu’est puni de la même peine, le fait de dénoncer mensongèrement à l’autorité judiciaire ou administrative, des faits constitutifs d’un crime ou d’un délit qui ont exposé les autorités judiciaires à d’inutiles recherches (art. 614 al. 3).

Lorsque le faux témoignage est fait contre le prévenu ou en sa faveur en matière de police, le faux témoin est puni d’un emprisonnement de un (01) an au moins et de trois (03) ans au plus et d’une amende de cinquante mille (50.000) francs CFA à deux cent cinquante mille (250.000) francs CFA.

Mais lorsque la matière n’est ni criminelle, ni correctionnelle, ni de police, le coupable de faux témoignage sera puni d’un emprisonnement de un (01) an à trois (03) ans et d’une amende de cent mille (100.000) francs CFA à cinq cent mille (500.000) francs CFA. Il pourra l’être aussi des peines accessoires mentionnées à l’article 616.

Le faux témoin, en toute matière, qui aura reçu de l’argent, une récompense quelconque ou des promesses, sera puni d’un emprisonnement de un (01) an à trois (03) ans et d’une amende de cinquante mille (50.000) francs CFA à deux cent cinquante mille (250.000) francs CFA.

Notons que les peines accessoires peuvent s’y ajoutées et dans tous les cas et ce que le faux témoin aura reçu sera également confisqué.

Celui à qui le serment aura été déféré ou référé en matière civile, et qui aura fait un faux serment, sera puni d’un emprisonnement de un (01) an au moins et de cinq (05) ans au plus et d’une amende de cent mille (100.000) francs CFA à cinq cent mille (500.000) francs CFA (art. 620 al. 1).

Jesukpégo Elie GBEDEMAKOU, Conseiller juridique de la Fondation VISSIN, Directeur du Département Droits de l’Homme, Chargé des relations avec les institutions

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